Au début de l’hiver, je me suis mis en tête de gagner une cabane qui tente de rester confidentielle malgré sa présence sur les cartes IGN. Non localisée sur refuges.info ou sur les topos en ligne, il fallait bénéficier des informations d’un initié. A mon habitude, j’étais parti tôt. La veille, la neige était tombée en abondance. Je me suis garé sur le parking de la station de ski encore déserte. Les raquettes accrochées au sac à dos, j’ai entamé l’ascension sur le chemin forestier. A ma gauche, sur la piste vide, des skieurs de rando attaquaient la pente de face. De mon côté, sur le sentier, ce n’était pas simple. Le sol était glacé, glissant et je rechignai à enfiler les raquettes. Je devais m’accrocher à mes bâtons et me maudissait ne pas avoir penser aux crampons. Concentré sur mes pas, je ratais une bifurcation et négligeais de regarder mon GPS. Une fois au col, je me suis rendu compte, qu’idéalement, il aurait fallu opérer un demi-tour. Revenir sur mes pas m’est insupportable, cette obsession de la boucle m’avait plusieurs fois mis en difficulté. Alors après avoir étudié la carte, j’optais pour cheminer sur la crête pour tenter de rejoindre un peu plus loin un sentier qui était bien plus bas. Le manteau neigeux était très épais, je progressais péniblement, même avec les raquettes. Par chance, j’aperçus des traces qui semblaient partir dans la bonne direction. Malheureusement, celles-ci disparaissaient souvent et il me fallait les chercher, parfois longuement. Il me fallut deux bonnes heures pour retrouver l’itinéraire qui, en principe, menait à la cabane. J’étais déjà très fatigué, le temps passait et mon objectif d’atteindre l’abri et d’en rejoindre un deuxième paraissait compromis. Heureusement, le chemin en sous-bois n’était pas trop raide et j’avançais à bonne allure. La cabane s’est dévoilée au dernier moment, dans un virage.






De forme triangulaire, elle reposait sur quelques pilotis et surplombait l’ouverture béante d’un scialet. J’ai posé mon sac sur la terrasse. La construction très sommaire avait été bâtie par les spéléos qui exploraient régulièrement la grotte. A l’intérieur, table et bancs, à l’étage, un peu de place.



J’ai déjeuné rapidement et prudemment tenté une descente dans la cavité, ce qui n’était guère prudent, le sol y étant gelé. Je suis descendu sur quelques mètres m’aidant de mes bâtons. Le spectacle était inouï, derrière moi la trouée du ciel, devant moi, plus bas, les profondeurs, l’obscurité. J’ai pris quelques photos et suis remonté précautionneusement. Il me fallait repartir vers ma prochaine destination qui était située à un peu moins d’un kilomètre et d’une centaine de mètre de dénivelé positif, une plaisanterie à la belle saison. Aucune trace ne partait dans la cabane dans cette direction, j’allais devoir la faire. Le sentier n’étant pas balisé (les fameux chemins noirs en pointillé sur les cartes IGN), je ne pouvais me repérer. Le regard rivé sur le GPS, je naviguai à vue, creusant mon sillon dans la neige vierge. Je m’en voulais de m’être entêter à gagner cette deuxième cabane. J’en avais plein les bottes et je ne profitais pas du paysage. Jusque-là, le temps avait été gris, il se dégrada soudainement et d’épais flocons commencèrent à tomber. J’avais chaud et soif mais je redoublais d’efforts.



Je finis par arriver dans un vallon, la cabane était posée là, sur la pente, à moitié ensevelie par la neige. Avec ses murs de pierre irrégulier et son toit en tôles, elle semblait bien fragile. A l’intérieur, une cheminée, une petite table, une étagère et des bat-flancs, au sol de la terre battue. Un peu ouverte aux quatre vents par son isolation plus que perfectible et sa rusticité, elle avait un charme fou. Je me suis assis sur le bat-flanc. Selon la carte, il y avait un peu moins de kilomètres pour le retour et plus de 400 m de dénivelé négatif, ce qui n’était pas à sous-estimer dans ces conditions. Là aussi, personne n’était passé avant moi, j’allais encore devoir labourer les champs de neige. Dehors, on n’y voyait pas à dix mètres. J’eus un moment de découragement. Je m’en voulais de mettre mis dans cette galère.

C’est à ce moment-là que j’ai vu le petit cœur orange en crochet suspendu à un clou. C’est une amie qui les confectionne. Elle les dépose dans toutes les cabanes. Je me suis senti moins seul et j’ai retrouvé le sourire. Partir en solitaire ne manque pas d’avantages mais comporte un défaut majeur, on ne peut compter que sur soi-même pour prendre une décision, ce qui laisse parfois place à des doutes profonds. Je suis parti ragaillardi, presque le pied léger, libéré de mes ruminations. J’étais soudainement très heureux d’être là, l’effort ne me pesait plus et je profitai du moment. Quelles étaient belles ces cabanes ! J’avais hâte de rentrer chez moi, de raconter tout cela et de montrer les photos. Cet été ou au printemps, je reviendrais, cela me tient à cœur.
En savoir plus sur UNE AVENTURE PAR JOUR
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
