
Avec mon ami le guide de haute montagne Daniel du Lac, je suis parti de Menton au bord de la Méditerranée pour traverser les Alpes à ski, jusqu’à Trieste, en passant par l’Italie, la Suisse, l’Autriche et la Slovénie. De 2018 à 2021, à la fin de l’hiver, nous nous élevions dans la neige. Le ciel était vierge, le monde sans contours, seul l’effort décomptait les jours. Je croyais m’aventurer dans la beauté, je me diluais dans une substance. Dans le Blanc tout s’annule – espoirs et regrets. Pourquoi ai-je tant aimé errer dans la pureté ?
Traverser les Alpes, sur les traces des conquérants de l’inutile. Quatre mois répartis sur quatre années, de 2018 à 2021, à travers glaciers, cols, névés, forêts immobiles, refuges et cabanes.
Sylvain Tesson avait arpenté les Chemins noirs, il sillonne le blanc dans cet ouvrage, journal de bord d’une escapade glaciale.
« Cette fois, je partais dans le Blanc. Et je comptais sur la couleur substantifique pour me pourvoir de joie. Le séjour dans les paysages de neige est une saignée de l’âme. On respire le Blanc, on trace dans la lumière. Le monde éclate. On se gorge d’espace. Alors s’opère l’éclaircie de l’être par le lavement du regard. » C’est que « les alpinistes sont prêts à tout détruire – l’amour, la famille et eux-mêmes – pour repartir dans la matrice. »

Et notre géographe, sur les cimes, déroule son périple philosophique en convoquant, comme à son habitude, les auteurs. A chaque étape, on pousse la porte, on se colle au poêle, on savoure la soupe, bref on s’encabane.
L’aventure est toujours là, dans les crevasses, dans les risques, dans les rencontres. A l’instar de « La Panthère des neiges », Tesson croise sur les sentiers, sur les pentes, les fantômes de sa vie et ses failles. Naturellement, comme toujours avec lui, le monde QRcodé de tout en bas est mis à distance.
Tesson, être paradoxal, omniprésent sur les plateaux de TV ou de radio pour la promotion de ses livres et dans le même temps, clochard céleste sur les chemins (toujours à l’Est) divise. Il faut dire qu’il n’est jamais loin d’une certaine forme de condescendance. Il faut dire qu’il y a de quoi être jaloux, bien né, écrivain brillant, orateur fascinant, explorateur, il est sans aucun doute, un personnage marquant de ce nouveau siècle d’un progrès agonisant.
Blanc ou Noir le Tesson, sans doute ?